Ben voilà. Merci, merci, vos applaudissements nous font chaud au coeur, mais on ne r'viendra pas. Ne vous attendez pas à c'qu'on vous fasse un salut, à c'qu'on revienne sur scène. Ceux qui sont morts, ils sont morts et ils ne se relèveront jamais. C'est comme ça, ici, on meurt pour de vrai. Le rideau est tombé pour de bon. Il en restera peut-être pour pas y croire, mais c'est pas de nos affaires.

Ici, ceux qui avaient à mourir sont morts. Et les autres retournent dans leur loge, enlèvent leur maquillage, leur costume et se préparent à revoir le monde extérieur. À oublier c'qui s'est passé sur scène, à laver le sang qu'ils ont sur les mains à grands coups d'oubli et de déni. Et pendant c'temps-là, le concierge passe sur la scène. Il prend les corps qui y restent et les met dans un sac de plastique. C'est tous les honneurs auxquels ils ont droit. Ils ont voulu jouer, cacher leur vrai moi derrière des masques tour à tour pleurant et souriant, eh bien ils ont eu c'qu'ils méritent. On les oubliera, parce qu'on réalisera qu'on n'les a jamais connus.

Ben voilà. Cette scène-là va servir à nouveau, espérons seulement que les prochains acteurs sauront comment faire pour que la troupe reparte entière... Qu'elle n'y laisse pas que des cadavres, ou des insatiables qui prient, qui supplient le public de ne pas partir, qu'ils en ont encore à montrer...

Oh no, please no, don't let the curtain fall

C'est peut-être mieux comme ça... jouer jusqu'à ce que le public s'en aille, qu'il ne reste même plus un seul illuminé dans la salle. Et là, tu sais que le temps est venu. Tu plies bagages...

Au revoir, fidèle public. On n'sera plus là, mais revenez quand même dimanche prochain. Ils méritent eux aussi qu'on les voie, qu'on les écoute. Ils ont tous quelque chose à dire. Dans l'fond, on est tous pareils. On a tous des lames en travers de la gorge, des pieux dans l'coeur, et une ombre énorme qui nous cache la vraie lumière...

Adieu, public...